Mon rapport à l’extérieur me ramène beaucoup à mon enfance. Le « dehors » a été un espace particulièrement marquant dans ma relation au geste. Un « dehors » pouvait être un terrain de basket, un parc de jeux pour enfant, une rampe de skate, un manège… Ces lieux convoquent une approche du temps, de l’espace, des codes sociétaux et un rapport au mouvement singuliers. De là part mon envie pour Dehors, série de performances chorégraphiques qui détournent les lieux grand public et invoquent un imaginaire collectif et une vision intergénérationnelle de ces espaces. Manège en constitue le premier épisode. Dans cette pièce courte, sur un manège en mouvement, 6 interprètes dessinent une chorégraphie de l’instant qui joue sur l’illusion d’optique et convoque poétiquement les souvenirs de l’enfance. Espace de récréation et de rêverie pour les plus jeunes, ce carrousel évoque, au fil des rotations la mélancolie d’un temps qui passe trop vite et dérobe au fil des années l’innocence et l’émerveillement de nos âmes d’enfants. Fort des expériences performatives en rue propre à mon parcours de danseur hip hop, Manège est ma première tentative chorégraphique écrite spécifiquement pour la rue. Un manège, c’est l’un des premiers lieux évocateurs de plaisir et de joie. Nous portons en chacun de nous des traces physiques dans le rapport au poids dans cette rotation perpétuelle et des traces sensibles faisant le lien entre les générations. Le rapport au manège définit aussi ce qui devient des moments clés dans notre construction et dans notre rôle : lorsque que l’on est trop “grands” pour certain·e·s ou trop jeunes pour d’autres, ou encore quand on devient parents ou grands-parents. L’écriture chorégraphique s’appuie, elle, sur un corpus technique spécifique à des danses hip hop qui permettent de créer des espaces dématérialisés et de travailler la distorsion du temps par l’effet d’optique ou par la logique de composition. Elle ancre par ailleurs sa narration dans des personnages qui vivent le manège comme un lieu de vie dans leur rapport à l’espace, au temps et à l’autre.
— Bouzid Ait Atmane
— Bouzid Ait Atmane